L’albatros
Ô MIRACLE! Vole-t-il encore ?
Il monte, mais ses ailes reposent !
Qui l’élève? Mais qui le porte ?
Qui lui est but et bond et bride ?
Il vola haut, maintenant le ciel
Soulève lui-même l’oiseau vainqueur :
Maintenant il repose, calme; il plane,
Il oublie la victoire, il oublie le vainqueur.
Comme l’éternité, comme l’étoile,
Il vit sur ces hauteurs que déserte la vie,
Envers même l’envie il devint pitoyable :
Il vola haut celui qui le vit !
Ô Oiseau-Albatros!
Vers les hauteurs me pousse une force éternelle.
Je te vis : alors mes yeux coulèrent
Les larmes, oui, je t’aime !
Friedrich Nietzsche (1844-1900)