Sonnet 63


Un jour viendra où mon bien-aimé sera, comme je le suis maintenant, écrasé et épuisé par la main injurieuse du temps.
Un jour viendra où les heures auront tari son sang et couvert son front de lignes et de rides; où le matin de sa jeunesse
Aura gravi la nuit escarpée de l’âge;
où toutes ces beautés, dont il est roi aujourd’hui, iront s’évanouissant ou seront évanouies des yeux du monde, dérobant le trésor de son printemps.
Pour ce jour-là, je me fortifie dès à présent contre le couteau cruel de l’âge destructeur, afin que, s’il tranche la vie de mon bien-aimé, il ne retranche pas du moins sa beauté de la mémoire humaine.
Sa beauté sera vue dans ces lignes noires, à jamais vivantes, et il vivra en elles d’une éternelle jeunesse.


William Shakespeare (1564-1616)
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