Les Poètes



SHAKESPEARE.
À lui la baguette magique
Le pouvoir de tout enchaîner;
il riva la Nature aux plis de sa tunique,
Et la Création a su le couronner.

MiLTON.
Son esprit était un pactole
Dont les flots roulaient de l'or pur,
Un temple à la vertu dont la vaste coupole
Se perdait dans les cieux au milieu de l'azur.

THOMPSON.
Après le jour la nuit obscure,
Après les saisons les saisons,
Ses chants qui sont gravés au sein de la nature
iront de l'avenir dorer les horizons.

gRAY.
D'un vol grandiose il s'élève,
La foudre il la brave de l'œil,
Le nuage orageux il le passe, puis s'enlève
Lumineuse trainée au sein de son orgueil.

BURNS.
De la lyre de sa patrie
il fit vibrer les plus doux sons,
Et son âme de feu, céleste rêverie
Se fondit dans des flots d'admirables chansons.

SOUTHEY.
Où règne la nécromancie
Dans les pays orientaux,
il aimait promener sa riche fantaisie,
Son esprit à cheval sur les vieux fabliaux.

COLERiDgE.
Par le charme de sa magie
Au clair de la lune le soir
il évoquait le preux, et du preux la vigie,
La superstition, hôte du vieux manoir.

WORDSWORTH.
Au livre de philosophie
il suspendit sa harpe un jour,
Là, placé près des lacs, il chante, il magnifie
Dans ses paisibles vers la nature et l'amour.

CAMPBELL.
Enfant gâté de la nature
L'art polit son vers enchanteur,
il sut pincer sa lyre et gracieuse et pure,
Pour amuser l'esprit, et réchauffer le cœur.

SCOTT.
il chante, et voyez ! là s'élance
Le Roman que l'on croyait mort,
Et la Chevalerie et la Dague et la Lance,
Sortent de l'Arsenal poussés par son ressort !

WiLSON.
Son chant comme une hymne sacrée
S'infiltre de l'oreille au cœur;
On croirait qu'il vous vient de la voûte éthérée
La voix d'un chérubin, d'un saint enfant de chœur.

HEMANS.
Elle ouvre la source des larmes
Et les fait doucement couler,
La pitié dans ses vers elle a les plus doux charmes
Et le lecteur ému s'y laisse affrioler.

SHELLEY.
Un rocher nu, bien solitaire
Au loin par de là l'océan,
Crévassé par le choc des volcans, du tonnerre,
Voilà quel fut Shelley, l'audacieux Titan !

HOgg.
Vêtu d'un rayon de lumière
Qu'il sut voler à l'arc-en-ciel,
il voit fée et lutin danser dans la clairière,
Et faire le sabbat loin de tout œil mortel.

BYRON.
La tête ceinte de nuages,
Ses pieds étaient jonchés de fleurs,
L'ivresse et la gaité, le calme et les orages
Trouvent en ses beaux vers un écho dans les cœurs.

MOORE.
Couronné de vertes louanges
Et pour chaque œuvre tour à tour,
Moore dans les bosquets se plait avec les anges
À chanter les plaisirs de son Dieu... de l'Amour !

The poets


i do not know what possesses me
And pushes me to say out loud,
Nor for the pity nor for the help
Nor like one would confess one's faults,
What inhabits me and what obsesses me
What inhabits me and what obsesses me

The one who sings tortures himself
Which shouts in me, which animal
i kill or which creature,
in the name of good in the name of evil,
Only know those who remained silent.
Only know those who remained silent.

Machado sleeps in Collioure
Three steps were enough out of Spain
For the sky for him to become heavy
He sat in this countryside
And closed his eyes for ever
And closed his eyes for ever

Above the waters and the plains
Above the roofs of the hills
A plainchant rises at the top of the voice--
is it toward the star Hölderlin?
is it toward the star PaulVerlaine?
is it toward the star PaulVerlaine?

Marlowe you need the tavern
Not for Faust but to die there
Between the killers surrounding you
with their daggers and their laughs
By the glimmer of a lantern.
By the glimmer of a lantern.

Stars, dusts of flames,
in august which fall on the ground
All the sky, this night, proclaims
The slaughter of the nightingales
But what does the universe know of the tragedy.
But what does the universe know of the tragedy.

The suffering gives birth to the dreams
Like a hive its bees
The man shouts where his iron gnaws him
And his wound fathers a sun
More beautiful than the ancient lies.
More beautiful than the ancient lies.

i do not know what possesses me
And pushes me to say out loud,
Nor for the pity nor for the help
Nor like one would confess one's faults,
What inhabits me and what obsesses me
What inhabits me and what obsesses me


Louis Aragon (1897-1982)



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