Soubs la tremblante courtine



Soubs la tremblante courtine
De ces bessons arbrisseaux,
Au murmure qui chemine
Dans ces gazouillans ruisseaux,
Sur un chevet touffu esmaillé des couleurs
D'un million de fleurs,

A ces babillars ramages
D'osillons d'amour espris,
Au fler des roses sauvages
Et des aubepins floris,
Portés, Zephirs pillars sur mille fleurs trottans,
L'haleine du Printemps.

Ô doux repos de mes pennes,
Bras d'yvoire pottelez,
Ô beaux yeulx, claires fontaines
Qui de plaisir ruisselez,
Ô giron, doux suport, beau chevet esmaillé
A mon chef travaillé !

Vos doulceurs au ciel choisies,
Belle bouche qui parlez,
Sous vos levres cramoysies
Ouvrent deux ris emperlez;
Quel beaulme precieux flotte par les zephirs
De vos tiedes souspirs !

Si je vis, jamais ravie
Ne soit ceste vie icy,
Mais si c'est mort, que la vie
Jamais n'ait de moy soucy :
Si je vis, si je meurs, ô bien heureux ce jour
Ou paradis d'amour !


Théodore Agrippa d'Aubigné (1552-1630)
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